En voiture, mémé !

Bélisaire emmène sa mère, Émérentienne, chez le médecin. Il s'agit d'une simple visite de routine, car à 94 ans, elle a toujours bon pied bon œil. Pour ce faire, monsieur Montbaillard doit emprunter la départementale qui traverse la cité balioloise et adopter la vitesse de croisière pour rouler en ville, celle des 30 km/h. Mais cela n'est point du goût de petite mémé.

- Mais qu'est-ce que tu fabriques ? Pourquoi conduis-tu comme ça ? demande-t-elle presque pas inquiète. Tu es malade ?

- à Baliol, désormais, on ne peut pas dépasser les 30 km/h, répond le fruit de ses entrailles.

Et comme cette réponse ne semble nullement satisfaire la vieille dame, celle-ci poursuit :

 - Tu dois faire un arrêt quelque part ? On n'est pas là pour admirer le paysage. Je vais finir pas être en retard chez le médecin. En tout cas, tu ne devras même pas t'arrêter lorsqu'on y arrivera, j'aurai le temps de sauter en marche.

- Mais je ne peux pas rouler plus vite, rétorque Bélisaire. C'est comme ça, je n'y peux rien.

- Tu n'en as pas marre de te faire doubler par d'autres véhicules ? enchaîne l'entêtée, sans doute pour mieux encore enfoncer le clou.

Et là bizarrement, Bélisaire ne répond plus. Il ronge simplement son frein. Il n'a plus qu'une seule hâte : déposer enfin sa chère et tendre mère et prendre au plus vite la poudre d'escampette.

Enfin, à Baliol, vite est un bien grand mot, un mot maudit quand toute une cité vit au ralenti. Il y a des jours comme ça dans la vie, où l'on se ferait volontiers Gilet jaune pour militer contre l'abus des zones 30 en centre-ville. Car n'est-il pas très dur de passer pour un sombre péquenaud aux yeux de sa propre mère ?